article publié le
23 août 2024
Que ce soit pour les contrats d’assurance vie, d’assurance décès, d’assurance incapacité ou invalidité, les données de l’état de santé des personnes sont demandées, analysées, décortiquées.
Cependant, il faut être lucide, l’intérêt de l’assurance sera toujours de trouver tout moyen pour éviter le versement de l’indemnisation couvrant le risque.
A alors émergé une pratique qui sera exposée dans cet article : la demande abusive de certificats médicaux détaillés ou de questionnaires de santé par l’intermédiaire de la personne assurée ou de ses ayants droits par le médecin conseil d’une compagnie d’assurance au médecin traitant de la personne concernée.
N’importe quel médecin traitant respectant sa déontologie doit refuser de prendre part à ces pratiques qui sont l’abus des assureurs en matière de santé.
Vous ou l’un de vos proches êtes assurés pour des risques touchant la santé (incapacité, invalidité, décès, etc.). Vous pensez être à l’abri.
Cependant, un accident survient. Cela peut être un accident de voiture, une dégradation brutale de la santé, le décès d’un proche, des violences psychologiques subies dans le couple occasionnant un arrêt de travail, etc.
L’assurance de la personne assurée envoie alors un questionnaire médical ou une demande de certificat médical détaillé à son client ou ayant droit pour le faire remplir par le médecin traitant de la personne assurée.
Sans retour de ce document, l’assurance refusera d’avancer sur le dossier et de verser l’indemnité couvrant le risque assuré.
S’en suivra donc un classement sans suite du dossier et par la suite une prescription.
Il sera ci-après exposé que cette pratique pourrait être illégale et résulter d’un abus des assureurs en matière de santé.
« I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. […]
V.-Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.
Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Toutefois, en cas de décès d’une personne mineure, les titulaires de l’autorité parentale conservent leur droit d’accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l’exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s’est opposée à l’obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. »
« En cas de décès du malade, l’accès au dossier médical de ce malade des ayants droit, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du médecin prenant en charge une personne susceptible de faire l’objet d’un examen des caractéristiques génétiques dans les conditions prévues au I de l’article L. 1130-4 s’effectue dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du V de l’article L. 1110-4« .
Le CNOM estime que « les médecins des compagnies d’assurance ne sont autorisés, par aucun texte, à demander des renseignements au médecin traitant, pas plus qu’ils ne sont autorisés à demander une copie de la première page d’un arrêt de travail où figure les éléments d’ordre médical motivant cet arrêt. En outre, le médecin traitant n’a pas à remplir, signer, apposer son cachet ou contresigner un questionnaire de santé ou un certificat médical détaillé transmis par l’assuré« .
Le médecin conseil de la compagnie d’assurance ne peut donc pas, directement ou par l’intermédiaire de l’assuré, demander au médecin traitant de la personne assurée de remplir, signer, apposer son cachet ou contresigner un questionnaire de santé ou un certificat médical détaillé.
Les principes rappelés par le CNOM étaient déjà posés par la jurisprudence.
La Cour de cassation, 1e Chambre civile, le 12 janvier 1999 avait considéré que violait le secret médical le médecin conseil de la compagnie d’assurances LA MONDIALE qui transmettait à cette compagnie une lettre que le médecin traitant d’un assuré lui avait adressée à la demande de sa veuve.
La Cour de cassation, 1e Chambre civile, le 6 janvier 1998 avait confirmé la décision de la Cour d’appel d’écarter le rapport établi par le médecin-conseil d’un assureur en relevant que ce rapport procède d’une violation du secret médical dès lors qu’il contient des renseignements reçus du médecin traitant de l’assuré, qui était tenu au secret médical.
Attention cependant car la jurisprudence a apporté quelques aménagements en faveur des assurances en considérant qu’une clause dans le contrat d’assurance peut prévoir que des éléments devront être fournis pour apporter la preuve de la réalisation du risque tel qu’un certificat médical précisant la nature de la maladie ou de l’accident.
En effet, le 29 octobre 2002, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a estimé qu' »ayant constaté que l’assureur avait subordonné sa garantie à la production d’un certificat médical indiquant « si possible » la nature de la maladie ayant entraîné le décès et que l’assuré avait, en acceptant la divulgation de certains éléments le concernant, renoncé lui-même et par avance au secret médical, la cour d’appel en a exactement déduit que ses ayants droit faisaient échec à l’exécution du contrat en refusant de communiquer les éléments nécessaires à l’exercice des droits qu’ils revendiquaient et, notamment, pour établir leur allégation d’un décès en dehors d’une maladie par l’avis du seul professionnel qualifié, qu’est le médecin« .
23 août 2024
Maître Sabrina SAB